Une dernière heure avec Labeyrie

Hier matin, place de la mairie, près de 2 000 personnes sont venues saluer une dernière fois l’ancien sénateur-maire avant son inhumation au cimetière Saint-Vincent-de-Paul.

Combien étions-nous hier matin pour rendre hommage à Philippe Labeyrie ? 1 500, 2 000 ? Entre les deux probablement. Certains ont trouvé que c’était beaucoup, d’autres que c’était peu.

En tout état de cause, la place de la mairie était noire de monde. Il y avait un côté ouverture des fêtes de la Madeleine. En plus recueilli forcément. En plus triste aussi.

Dès 10 heures, les premiers sont arrivés. Des anonymes, souvent âgés, peu à peu rejoints par les personnalités. Elles étaient si nombreuses qu’il serait fastidieux, et risqué, de les nommer toutes.
Il y avait la quasi-intégralité du Conseil général dont son président et le maire de Dax, Gabriel Bellocq, les sénateurs Michel et Carrère, des conseillers régionaux, d’anciens membres du Conseil municipal, des actuels, des retraités de la politique comme l’ancien député-maire de Saint-Paul-lès-Dax, Jean-Pierre Pénicaut. Le préfet était là aussi, de même que le commandant de la Base aérienne 118 ou le Directeur départemental de la sécurité publique.
Les grands absents s’étaient faits excuser comme les députés Alain Vidalies, retenu en Conseil des ministres, ou Jean-Pierre Dufau, qui tenait permanence parlementaire à l’Assemblée nationale. Lionel Jospin n’était pas attendu mais Henri Emmanuelli, dans son allocution, a tenu à faire savoir qu’il avait reçu un coup de téléphone de sa part. L’ancien Premier ministre partage la tristesse des Montois.

Un homme, pas un saint

À 11 heures, le cercueil porté par quatre hommes fend la foule au premier rang de laquelle se tient la famille, dont les trois filles de Philippe Labeyrie, Élise, Cécile et Louise, ainsi que sa première épouse.
L’Orchestre montois joue un paso doble pour lui faire bon accueil avant une minute de silence commandée par Geneviève Darrieussecq, le maire étant la première des quatre orateurs à intervenir.

Photo cérémonie Philippe Labeyrie
Dans le public, certains ont du mal à retenir leurs larmes. Ainsi Gisèle dont les lunettes sont pleines de buée. « M. Labeyrie, c’était mon docteur et mon maire. C’était un homme bien. »
Un homme bien. Il n’y avait personne hier pour penser le contraire. Roger résume. « C’était un ours, mais un ours généreux. »

Les discours s’enchaînent, justes dans le fond et dans la forme. Les morts n’ont souvent que des qualités, à celui-ci on prête aussi quelques défauts. Ce qui a l’avantage d’être conforme à la vérité.
Ses éclats de rire, ses colères homériques, ses blagues de carabin et sa voix bourrue… le personnage est décrit tel qu’il était. Pas comme un saint.

Au fronton de la mairie, des affiches des Madeleine passées témoignent de la passion de César pour ses fêtes mais aussi de son action pour sa ville. Sur celle de 1993 figure l’esplanade du Midou, 1997 évoque l’espace François-Mitterrand et celle de 2000 le marché Saint-Roch.

« Paquito chocolatero »

Il n’est pas tout à fait midi quand la cérémonie s’achève. Quelques foulards bleus (il n’aurait plus manqué qu’ils soient rouges) font leur apparition jusque sur une des poignées du cercueil.
À la demande de la famille, l’Orchestre montois joue « Vino griego » puis « Paquito chocolatero ». Les larmes redoublent. Comme il était venu, le cercueil repart.
La foule applaudit, les grands comme les petits, les puissants comme les faibles. Certains veulent le toucher comme pour saluer une dernière fois celui qui repose à l’intérieur.

Personne n’est pressé de quitter les lieux, comme s’il était bon de prolonger encore le moment. Et pendant ce temps-là, la vie continue. La Poste et le Crédit agricole reçoivent leurs clients, le Grand Café aussi. Dans le ciel passent des palombes.

Philippe Labeyrie aurait aimé. Surtout les palombes. Il repose désormais au cimetière Saint-Vincent-de-Paul où il a été inhumé dans la plus stricte intimité.

Sur une des pages d’un des nombreux livres d’or laissés à disposition du public, il est écrit : « L’homme sensible et généreux est parti nous laissant triste, mais le maire avec son caractère et ses réalisations restera à jamais. » Ça résume bien.

Sud Ouest du 18 octobre 2012
Jean-François Renaut Photos : Pascal Bats et Paul Soubiron