Suite à la publication de la lettre d’information taurine « Le Plumaçon » N°8, retrouvez l’intégralité de interview de deux solistes de l’Orchestre Montois, Pauline au hautbois et Sébastien à la trompette, ayant joués lors de l’inoubliable corrida du vendredi de la Madeleine 2015.

L’afición du Plumaçon a vécu un moment d’émotion et de communion lors de la corrida du
vendredi avec un accord parfait entre le phrasé de l’Orchestre Montois et les mélodies de muleta
des maestros. Rencontre avec les deux solistes de l’orchestre.

Pouvez-vous vous présenter ?
Aficionados ?
Pauline : hauboïste depuis 22 ans, membre de l’OM depuis 2003 et co-présidente de l’association pour la cinquième année consécutive. Mon afición a coïncidé avec mon arrivée à l’orchestre. Grâce à la musique, j’ai pu m’initier à la corrida, saisir la dimension artistique incroyable que propose la
tauromachie et l’émotion qu’elle peut véhiculer. J’ai eu la chance de pratiquer le toreo de salon aux côtés de Jérémy Banti et ainsi nourrir ma soif d’apprendre et de comprendre comment le trio torero/toro/musique peut s’accorder pour procurer une telle osmose.

Sébastien : trompettiste professionnel au sein de la musique militaire de Rennes, je reviens souvent au Moun dans ma famille et en profite alors pour rejoindre les rangs de l’OM, orchestre que je n’ai jamais quitté. Grand aficionado et président de la Peña Julien Lescarret de Mont de Marsan, j’ai la chance que mes amis trompettistes m’offrent de faire la plupart des solos des arènes. Mes premiers souvenirs taurins sont les corridas du dimanche sur Canal+ et ma première becerrada à Mont de
Marsan à l’âge de 7 ans avec un certain Rafaelillo tout de blanc et or vêtu coupant 2 oreilles et la queue pendant la Madeleine 1989… Avouons-le, de temps en temps je prends cape et muleta
pour me faire plaisir.

Que s’est-il passé dans la tête de l’Orchestre Montois ?
Pauline : rien d’improvisé… la commission taurine municipale souhaitait quelque chose qui sorte de l’ordinaire pour cette corrida de prestige et notre chef, Michel Cloup, a proposé un accompagnement musical inédit à base de morceaux lents et pas forcément taurins.
Sébastien : Michel, après des échanges de plus d’un an avec la commission et les toreros, a sélectionné et réécrit des morceaux adaptés au style des deux maestros. Une tauromachie mélodieuse et coulée pour Ponce qui est entrée en résonance avec des œuvres comme la marche de procession “Caridad del Guadalquivir”. Pour Fandiño, un esthétisme gracieux aussi mais avec plus d’opiniâtreté qu’on a retrouvé dans les lignes musicales plus rythmées d’un “Pasodoble triste” ou d’ “Opera Flamenca”.

Quand êtes-vous intervenu(e) en soliste et quelle émotion avez-vous ressentie ?
Pauline  : j’ai ouvert le bal dès le premier toro avec Gabriel’s Oboe d’Ennio Morricone, que l’on peut entendre dans le film “Mission”. La surprise du public sur les gradins s’est ressentie jusqu’au palco des musiciens. Jouer pour près de 8000 personnes, ça n’arrive pas tous les jours ! J’étais surtout attentive aux séries de passes de Ponce. La musique qu’on lui proposait semblait coller parfaitement aux passes qu’il effectuait avec le toro. Le stress s’est alors transformé en véritable plénitude : ravie d’avoir pu proposer avec l’ensemble des musiciens un moment rare de communion.

Sébastien : de mon côté j’ai eu la chance de jouer pour les deux toreros. Un arrangement de l’œuvre pour guitare le “Concerto d’Aranjuez” pour Ponce : c’était le titre qu’il fallait ce jour-là, avec ce toro et ce Maestro. Dès les premières notes, les murmures des spectateurs qui nous accompagnent jusqu’à la fin des passes sont magiques. Après la science du toreo de Ponce fait qu’il va adapter sa faena à mon interprétation… ou inversement qui sait ? Mon deuxième solo dans “Degüello” est beaucoup plus rythmé et a très bien correspondu à Fandiño car ce torero s’est toujours battu pour en arriver au niveau où il se trouve actuellement. Le contexte est génial car, après un début de saison laborieux et l’échec de Madrid pour son solo, on retrouve le Ivan des années précédentes “le combattant”.

La réaction des toreros ? Du public ?
Pauline et Sébastien : l’émotion de Ponce à la fin de l’Hymne régional valencien aussi bien que sa volonté de toréer “en mesure” avec nous tout comme le brindis de Fandiño à son 2ème toro sont des hommages forts et rares dont l’ensemble des musiciens est toujours très fier. Côté public, 6 mois après, on nous en parle encore avec des trémolos dans la voix et les yeux pétillants… Les aficionados ont aussi ressenti cette harmonie rare.

Une expérience à renouveler ?
Pauline et Sébastien : ce qui a plu c’est la nouveauté… mais personne au départ ne pouvait savoir si l’osmose marcherait entre acteurs de la piste et musiciens sous le regard attentif des spectateurs. Et puis ça a été un travail de préparation très minutieux. De plus le public attendra au minimum la même chose et ça sera dur… Alors très certainement, dans un avenir plus ou moins proche, la commission taurine nous sollicitera encore pour qu’on apporte une touche d’originalité au classicisme des corridas formelles mais pas avec les mêmes palettes musicales qu’en 2015.

 

Lettre plumacon N8